
DomusVi : Condamnations judiciaires en 2020-2021 et enseignements pour les investisseurs EHPAD
Dernière mise à jour : Mars 2025.
DomusVi, gestionnaire privé d’Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), a fait face en 2020 et 2021 à plusieurs actions en justice intentées par des investisseurs propriétaires de chambres en EHPAD. Ces procès, remportés par les bailleurs privés (parties civiles) dans de nombreuses instances, ont mis en lumière des risques juridiques et financiers significatifs pour les investisseurs en immobilier géré. Nous analysons ci-dessous les décisions de justice rendues, le nombre de plaignants et montants en jeu, les arguments de chaque partie, et tirons les leçons de ces affaires pour sécuriser vos investissements en EHPAD.
Illustration : Couloir dans un EHPAD – Les litiges entre DomusVi et ses bailleurs en 2020-2021 ont alerté les investisseurs sur les clauses des baux commerciaux et la fiabilité des exploitants.
Contexte : DomusVi, les EHPAD et l’investissement en immobilier géré
DomusVi est l’un des principaux exploitants privés d’EHPAD en France, gérant des maisons de retraite médicalisées (ainsi que des résidences services seniors et services d’aide à domicile). Le modèle économique courant dans ce secteur implique des investisseurs particuliers : ceux-ci achètent des chambres médicalisées ou lots au sein des EHPAD (généralement via un statut LMNP, Loueur en Meublé Non Professionnel) et les donnent en location via un bail commercial à l’exploitant (DomusVi dans le cas présent). En échange, l’investisseur-bailleur perçoit des loyers garantis par le gestionnaire, souvent indexés annuellement, et bénéficie d’avantages fiscaux (dispositif Censi-Bouvard, amortissements, etc.). Ce montage, attractif sur le papier, transfère néanmoins une grande partie du destin de l’investissement entre les mains de l’exploitant de l’EHPAD.
À partir de la fin des années 2000 et durant les années 2010, de nombreux particuliers ont investi dans des chambres d’EHPAD exploitées par DomusVi (et d’autres groupes comme Orpéa, Korian, etc.), attirés par des taux de rendement annoncés autour de 4 à 5 %. Les baux commerciaux signés avec DomusVi couraient généralement sur 9 à 12 ans, avec des clauses d’indexation des loyers annuelles pour suivre l’inflation, assurant aux bailleurs des revenus théoriquement croissants dans le temps. En pratique cependant, ce secteur a vu émerger des dysfonctionnements contractuels et des stratégies d’exploitants visant à réduire leurs charges, parfois au détriment des propriétaires bailleurs. L’affaire DomusVi de 2020-2021 en est une illustration emblématique, venant après d’autres difficultés constatées (demandes de baisse de loyer en fin de « fonds de concours », transferts de résidents vers de nouveaux établissements, etc. ).
La clause d’indexation contestée : litiges entre DomusVi et ses bailleurs privés
Au cœur des procès de 2020-2021 se trouve une clause d’indexation des loyers inscrite dans les baux commerciaux liant DomusVi à des centaines de petits propriétaires. Fin 2019, DomusVi informe soudainement ses bailleurs que cette clause serait « illicite » et contraire à l’ordre public économique, en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation de 2016 . Dans cet arrêt (Civ. 3e, 14 janv. 2016, n° 14-24.681), la Cour avait jugé qu’une clause d’échelle mobile ne pouvant jouer qu’à la hausse (sans réciprocité en cas de baisse d’indice) est prohibée et réputée non écrite .
DomusVi interprète cette jurisprudence comme rendant nulle la clause d’indexation présente dans ses baux EHPAD signés entre 2005 et 2012 . Concrètement, cela signifie selon l’exploitant que les loyers n’auraient jamais dû être augmentés chaque année. DomusVi annonce donc unilatéralement qu’à compter du 1er janvier 2020, il ne paiera plus que le loyer initial (celui du bail d’origine, sans revalorisation annuelle) . Plus grave, il indique vouloir appliquer cette mesure rétroactivement sur cinq ans : DomusVi prétend avoir versé des « surtaxes » de loyer les 5 années précédentes en appliquant l’indexation annuelle, et prévoit de récupérer ces sommes auprès des bailleurs, par un étalement de la réduction de loyers sur huit trimestres à partir de septembre 2020 . Autrement dit, non seulement les propriétaires toucheraient un loyer réduit à l’avenir (loyer figé au niveau d’il y a 5 ans), mais DomusVi entendait en plus se faire rembourser l’équivalent des indexations passées en ponctionnant les loyers futurs.
Cette annonce crée un choc et une indignation chez les investisseurs concernés. Pour des bailleurs non avertis, le revenu locatif censé être « garanti » se voyait brusquement amputé, remettant en cause la rentabilité de l’investissement. Selon les avocats des propriétaires, DomusVi cherchait ainsi à économiser des millions d’euros de loyers à son profit , en profitant d’une faille juridique possible dans les contrats. Il est à noter que la clause d’indexation en question était particulière : au lieu d’être indexée sur un indice officiel INSEE sans plancher (ce qui est légal), elle prévoyait une augmentation automatique du loyer chaque année (loyer à paliers fixes ou indexation uniquement à la hausse). Ce type de clause, qui empêche toute baisse même si l’indice de référence venait à diminuer, est effectivement entaché de nullité en droit des baux commerciaux . DomusVi en a donc déduit que la clause entière était nulle et non avenue, et a tenté d’imposer aux bailleurs un avenant entérinant la suppression de l’indexation .
Face à cette situation imposée, les investisseurs ont réagi en masse sur le terrain judiciaire.
Procès de 2020 : premières décisions de justice favorables aux investisseurs
Dès le premier semestre 2020, des centaines de propriétaires bailleurs ont engagé des procédures en référé (urgence) devant divers tribunaux judiciaires à travers la France . En effet, chaque résidence EHPAD et chaque bail relevant de la juridiction du lieu de l’immeuble, DomusVi a été assigné en référé dans une cinquantaine de juridictions différentes . L’objectif des bailleurs était d’obtenir en urgence la suspension de la décision de DomusVi et le respect immédiat des termes initiaux du bail en attendant qu’un jugement au fond tranche définitivement la validité de la clause.
Fin 2020, les premiers jugements tombent, et donnent raison aux investisseurs. Notamment, le tribunal judiciaire de Meaux, par ordonnance de référé du 10 novembre 2020, condamne DomusVi à payer aux bailleurs les sommes indûment retenues sur les loyers (c’est-à-dire la différence d’indexation que l’exploitant avait cessé de verser) et à reprendre le paiement futur des loyers aux conditions du bail initial . De même, le tribunal judiciaire de Melun rend peu après une décision similaire en référé, ordonnant à DomusVi de respecter la clause d’indexation prévue et de restituer les loyers non versés conformément au bail . D’autres juridictions suivent ce mouvement en cette fin d’année 2020, à l’issue de référés introduits par les propriétaires.
Selon les informations rapportées par Capital et BFM Business, environ une centaine de bailleurs particuliers obtiennent ainsi gain de cause dès ces premières décisions . Ces investisseurs – souvent des épargnants retraités ayant placé leur argent dans une chambre d’EHPAD – voient leurs droits confirmés : DomusVi doit leur reverser les montants d’indexation qu’il avait cessé de payer en 2020, et continuer à appliquer la revalorisation annuelle des loyers comme prévu initialement .
Les montants en jeu varient selon les cas, mais on estime que pour chaque bailleur, la perte évitée grâce à ces jugements représentait plusieurs milliers d’euros par an (une indexation de 1,5 à 2 % sur un loyer annuel de ~10 000 € représente ~150-200 € par an, cumulée sur 5 ans plus les effets composés, soit souvent 800 à 1 000 € de manque à gagner annuel en 2020, et autant à rembourser pour les années antérieures). Pour l’ensemble des bailleurs ayant saisi la justice, DomusVi risquait de devoir rembourser au total plusieurs millions d’euros de loyers, compte tenu du nombre de chambres concernées sur la période de 5 ans .
Ces premières victoires judiciaires en référé constituent un soulagement pour les investisseurs. Le message envoyé est clair : un exploitant d’EHPAD ne peut pas, du jour au lendemain, modifier unilatéralement le contrat de bail à son avantage financier. Même en invoquant une jurisprudence, DomusVi a été jugé, dans ces ordonnances, en situation de voie de fait contractuelle justifiant une intervention d’urgence du juge.
Il convient toutefois de souligner qu’une ordonnance de référé est une mesure provisoire rendue en urgence : elle ne tranche pas le litige au fond de manière définitive . En l’occurrence, les juges des référés ont estimé qu’il y avait un trouble illicite manifeste (non-paiement de loyers dus selon le bail) justifiant leur intervention immédiate, renvoyant le débat de validité de la clause d’indexation à un examen au fond ultérieur.
Réaction de DomusVi et suites judiciaires en 2021
Face à ces revers judiciaires de fin 2020, DomusVi a rapidement réagi sur le plan judiciaire et médiatique. Le groupe a fait usage de son droit de réponse, affirmant que la présentation de la situation était biaisée et que « la justice n’a pas tranché de manière unanime » en référé . DomusVi souligne en effet qu’à la même période, d’autres tribunaux ont pu statuer en sens inverse. C’est le cas par exemple du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône, dont le juge des référés a, le 24 novembre 2020, estimé que la clause d’indexation litigieuse violait l’ordre public économique, faisant obstacle à la demande des bailleurs de rétablir l’ancien loyer . Cette ordonnance de référé donne raison à DomusVi sur le fond du droit (clause illicite) et rejette la requête des propriétaires . Ainsi, toutes les juridictions ne convergent pas : certaines ont considéré que la nullité potentielle de la clause d’indexation empêchait de faire droit à la demande des bailleurs en référé (car le droit n’était pas « évident » en faveur des bailleurs), renvoyant aux actions au fond.
DomusVi annonce avoir interjeté appel des quatre ordonnances de référé qui lui étaient défavorables fin 2020 . En France, une ordonnance de référé peut en effet faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel, qui rejuge en urgence. Parallèlement, le groupe indique que la majorité des procédures de référé initiées par les bailleurs n’avaient pas encore abouti fin 2020 . Autrement dit, d’autres décisions en référé sont attendues courant 2021 dans différentes régions. DomusVi reste confiant, déclarant que les motivations mêmes de certains jugements confirment la validité de sa position de fond (nullité de la clause) bien que le référé ne puisse en principe juger le fond .
En 2021, le contentieux se poursuit donc sur deux plans : d’une part les appels des référés défavorables à DomusVi (devant plusieurs Cours d’appel, par exemple à Paris, Versailles, Aix-en-Provence, etc.), d’autre part les procédures au fond initiées parallèlement par les bailleurs pour faire trancher définitivement la légalité de la clause d’indexation et obtenir réparation.
Les résultats en 2021 restent mitigés selon les juridictions, mais l’ensemble tend à confirmer les victoires initiales des bailleurs :
• Sur le plan des référés : DomusVi obtient gain de cause dans certaines affaires, mais voit ses arguments rejetés dans d’autres. Par exemple, en référé à Marseille (ordonnance du 5 février 2021) ou à Nice (ordonnance du 2 avril 2021), les juges ont pu être saisis des mêmes demandes. Sans entrer dans chaque décision locale, on note que plusieurs Cours d’appel se prononcent courant 2021. Certaines infirment les référés favorables aux bailleurs, mais d’autres les confirment. Cette disparité crée une insécurité juridique temporaire : jusqu’à ce qu’une juridiction suprême unifie la doctrine, bailleurs et DomusVi obtiennent des décisions opposées selon le tribunal compétent. DomusVi continue de clamer que le droit est de son côté (nullité de la clause d’indexation rétroactive), tandis que les propriétaires soutiennent que la clause peut être purgée de son éventuelle illégalité sans annuler l’indexation (en neutralisant simplement la stipulation prohibant une baisse, voir partie suivante).
• Sur le plan du jugement au fond : Fin 2021, certaines instances au fond commencent à aboutir (d’autres prendront plus de temps, compte tenu de la complexité et du nombre de parties). Les tribunaux qui examinent le dossier sur le fond vont au-delà de l’urgence : ils évaluent si la clause d’indexation doit être réputée non écrite dans sa totalité, et les conséquences à en tirer. Sans anticiper sur les décisions définitives (plusieurs sont rendues en 2022), le tournant jurisprudentiel se dessine : la tendance est de considérer que seule la clause illicite doit être neutralisée, sans priver le bail de toute indexation . En d’autres termes, la sanction d’une clause d’indexation non conforme (par exemple uniquement à la hausse) n’est pas forcément le gel du loyer au montant initial, mais l’ajustement du contrat pour le rendre conforme à l’ordre public (le bailleur devant accepter d’éventuelles baisses si l’indice baisse, mais conservant le droit aux hausses lorsque l’indice monte). C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation un peu plus tard (arrêt Civ. 3e, 12 janv. 2022) : « la clause d’indexation qui n’est stipulée qu’à la hausse doit être réputée non écrite, mais seule la stipulation prohibée doit être neutralisée » .
En résumé, à l’issue de 2021, DomusVi faisait face à un important risque juridique et financier : la plupart des investisseurs bailleurs ayant agi en justice obtenaient ou étaient en passe d’obtenir gain de cause pour le versement intégral des loyers contractuels. DomusVi, de son côté, voyait sa tentative de réduire les loyers largement bloquée par les tribunaux. Cela préfigurait une issue coûteuse pour l’exploitant (paiement des arriérés d’indexation, frais de justice, etc.), à moins d’une transaction. La bataille judiciaire s’est poursuivie en 2022 (avec de nombreux arrêts de Cour d’appel, puis des pourvois en cassation), mais les années 2020-2021 ont constitué le moment clé où les « parties civiles » (propriétaires) ont remporté les premières victoires et posé les bases juridiques de la suite.
Motifs des plaignants et moyens de défense de DomusVi
Il est instructif de récapituler les arguments de chaque camp lors de ces procès, car ils révèlent les points de vigilance contractuels :
• Arguments des investisseurs bailleurs (plaignants) : Ils reprochent à DomusVi une violation du bail commercial signé. Pour eux, la clause d’indexation était une condition essentielle du contrat de location, acceptée par les deux parties. DomusVi, en cessant de l’appliquer et en voulant récupérer des loyers versés, commet un manquement grave à ses obligations contractuelles. Les plaignants soulignent qu’ils ont investi en toute confiance sur la base d’un loyer indexé garantissant le maintien de leur pouvoir d’achat, et que DomusVi ne peut pas s’asseoir sur ses engagements après coup. Même si une clause pouvait être juridiquement perfectible, seul un juge du fond pourrait éventuellement la déclarer non écrite. En aucun cas le locataire (DomusVi) ne peut se faire justice soi-même en suspendant unilatéralement le paiement convenu. Les investisseurs font valoir le préjudice financier subi (baisse de revenus, éventuellement difficultés à rembourser leurs crédits sans les loyers escomptés) et invoquent l’urgence à rétablir les paiements pour éviter des défaillances. Plusieurs investisseurs ont également souligné le défaut d’information préalable lors de l’achat : ni les commercialisateurs, ni DomusVi ne les avaient alertés qu’une clause du bail pouvait être nulle ou qu’un tel risque existait, ce qui pourrait s’apparenter à un vice du consentement ou à un manquement au devoir de conseil .
• Moyens de défense de DomusVi : DomusVi articule sa défense en deux temps. D’abord, sur le plan juridique, l’exploitant se retranche derrière l’ordre public économique. La clause d’indexation, selon lui, est illégale (car « déséquilibrée » : ne fonctionnant qu’à la hausse) et doit donc être réputée non écrite ab initio. Ainsi, DomusVi considère qu’il avait le droit et même le devoir de cesser d’appliquer une clause nulle et de corriger les effets passés de cette clause. Le groupe cite la jurisprudence de la Cour de cassation (2016) à l’appui et met en avant que certains juges ont reconnu ce bien-fondé . Ensuite, sur le terrain procédural, DomusVi soutient que le référé n’est pas le bon forum pour trancher une question aussi complexe : il y a une contestation sérieuse sur le fond du droit (validité de la clause), donc les bailleurs auraient dû attendre le jugement au fond. En référé, DomusVi plaide l’absence d’évidence du droit des bailleurs, et a réussi à convaincre certains juges de l’urgence d’écarter les demandes pour renvoyer l’affaire au fond. Enfin, DomusVi tente de minimiser le caractère fautif de sa démarche auprès des investisseurs et des médias : il affirme agir dans l’intérêt d’une mise en conformité légale, et non par simple cupidité. Dans ses communiqués, le groupe insiste sur sa mission centrée sur le bien-être des résidents et la pérennité de son modèle médico-social – comme pour sous-entendre que la soutenabilité financière (réduire des loyers jugés trop élevés) sert indirectement la qualité de service aux personnes âgées. Il rejette la faute éventuelle sur les concepteurs initiaux des baux (promoteurs, vendeurs) qui auraient inclus ces clauses problématiques.
En synthèse, les plaignants ont mis en avant le respect du contrat et la protection de l’investisseur, tandis que DomusVi a mis en avant la conformité juridique et la viabilité économique. Cette confrontation a obligé les tribunaux à évaluer à la fois des subtilités de droit des baux et des considérations d’équité. L’issue penchera majoritairement en faveur des bailleurs, considérant qu’un professionnel comme DomusVi, signataire des baux, ne pouvait ignorer pendant des années la nature de la clause et en profiter, pour ensuite s’en prévaloir brutalement à son avantage.
Résultats des jugements et implications juridiques
Au terme de 2021, les résultats des différentes procédures liées à cette affaire DomusVi peuvent être résumés ainsi :
• DomusVi a été condamné à plusieurs reprises en référé (Meaux, Melun fin 2020, puis dans d’autres ressorts en 2021) à verser les arriérés de loyer et à respecter les baux. Des centaines de milliers d’euros de loyers ont dû être versés ou provisionnés en exécution de ces décisions pour les dizaines de bailleurs représentés dans ces instances . DomusVi a certes obtenu quelques décisions favorables isolées, mais la balance penche en faveur des investisseurs dans la plupart des juridictions civiles saisies.
• Les cours d’appel, en 2021 et 2022, ont pour la plupart confirmé l’obligation pour DomusVi de payer, tout en posant les questions de droit à la Cour de cassation. En 2022, la Cour de cassation tranchera finalement en faveur d’une interprétation limitant la portée de la nullité de la clause : seule la stipulation unilatérale (qui empêchait une baisse) est annulée, mais le principe d’indexation annuelle demeure valable . En pratique, cela signifie que DomusVi ne peut pas obtenir le remboursement des hausses de loyer perçues, car ces hausses étaient légitimes tant qu’il n’y avait pas de baisse d’indice à répercuter. Cette clarification a rendu la position de DomusVi intenable : le fond du droit donne raison aux bailleurs, confirmant qu’ils avaient droit aux loyers avec indexation (sauf à prévoir d’éventuelles baisses futures si l’indice venait à baisser). DomusVi, ayant fait appel partout, s’est vu débouté de l’essentiel de ses demandes à l’issue de la procédure.
• Dans certains cas plus complexes, DomusVi a pu négocier avec des propriétaires pour éviter un contentieux lourd. Mais globalement, son initiative de 2020 s’est soldée par un échec juridique retentissant. Le groupe a dû non seulement renoncer à son plan d’économies sur les loyers, mais a également dégradé son image auprès des investisseurs et du public.
D’un point de vue juridique, ces jugements rappellent plusieurs points essentiels pour les investisseurs en immobilier géré :
1. La force obligatoire du bail commercial : Un bail commercial est un contrat juridiquement contraignant pour les deux parties. Un exploitant ne peut pas, sans décision judiciaire, cesser d’appliquer une clause au motif qu’elle lui serait défavorable ou même qu’elle serait possiblement nulle. Tant qu’aucun juge n’a annulé la clause, celle-ci s’impose. DomusVi en l’espèce a voulu se faire juge du bail, ce que les tribunaux n’ont pas admis, sanctionnant le défaut d’exécution du contrat (articles 1103 et 1217 du Code civil sur le respect des conventions et la responsabilité contractuelle).
2. Nullité des clauses d’indexation asymétriques : Sur le plan technique, l’affaire a mis en lumière la règle selon laquelle une clause d’indexation ne peut exclure les variations à la baisse. C’est une question de droit d’ordre public économique (notamment, on peut citer l’article L112-1 du Code monétaire et financier qui prohibe les indexations illicites, et la jurisprudence précitée). Les investisseurs doivent donc être conscients que si un bail contient une clause d’indexation illégale, celle-ci pourra être écartée par un juge. Toutefois – point crucial – la sanction ne signifie pas nécessairement une catastrophe pour le bailleur : la jurisprudence tend à sauvegarder le contrat en retranchant uniquement la clause problématique. Dans le cas DomusVi, cela a évité une perte sèche pour les bailleurs sur toutes les hausses de loyer passées, puisque seule la mécanique de baisse manquante a été ajoutée virtuellement, sans annuler les hausses.
3. Indemnisation et dommages-intérêts : À notre connaissance, les procès de 2020-2021 concernaient surtout des actions en paiement (recouvrement de loyers non payés). Les bailleurs ont obtenu des injonctions de payer, parfois assorties d’astreintes, et le rétablissement du loyer d’origine. La question des dommages-intérêts pour le préjudice subi (ex : frais bancaires, etc.) pourra se poser dans les procédures au fond. De même, DomusVi pourrait théoriquement engager la responsabilité des rédacteurs du bail (promoteur vendeur, notaire) pour lui avoir fait signer une clause nulle, mais ce recours reste incertain. Pour les investisseurs, l’essentiel était de recouvrer leurs loyers et d’éviter une diminution de la rentabilité de leur placement, ce qui a été obtenu via ces jugements.
Risques juridiques et financiers pour les investisseurs en EHPAD mis en évidence
Ces affaires DomusVi de 2020-2021 mettent en évidence plusieurs risques majeurs inhérents à l’investissement en EHPAD (et plus largement en résidences gérées) du point de vue des bailleurs privés :
• Risque de défaillance contractuelle de l’exploitant : Le gestionnaire peut rencontrer des difficultés financières ou choisir de remettre en cause l’équilibre initial du contrat. Ici, DomusVi a cherché à réduire les loyers versés, ce qui s’apparente à une défaillance partielle de paiement. D’autres exploitants ont parfois purement et simplement cessé de payer les loyers ou demandé des baisses en invoquant la conjoncture. L’investisseur immobilier doit intégrer que le loyer « garanti » ne l’est que tant que l’exploitant est solvable et respecte le bail. Une action collective a d’ailleurs été lancée par des associations de propriétaires (UNPI, CODIRSE) pour attirer l’attention sur ces risques et regrouper les bailleurs lésés .
• Risque juridique lié aux clauses du bail : Un bail commercial mal rédigé peut contenir des failles juridiques exploitables par l’une ou l’autre partie. La clause d’indexation asymétrique en est un exemple flagrant : elle a permis à DomusVi d’avoir un argument juridique (certes rejeté in fine) pour contester ses obligations. De même, certaines clauses de répartition des charges ou de travaux peuvent prêter à interprétation. Par exemple, si le bail n’est pas clair sur qui doit financer les grosses réparations ou la mise aux normes, l’exploitant pourrait refuser de payer et contraindre les propriétaires à engager un contentieux. Un bail commercial EHPAD doit être passé au crible pour déceler d’éventuelles clauses abusives ou ambiguës. Les investisseurs de l’affaire DomusVi ont découvert a posteriori que la clause présentée comme une indexation classique était en réalité illégale, ce qu’ils ignorèrent lors de l’achat.
• Risque d’exploitation du rapport de force : Les propriétaires d’une chambre en EHPAD sont souvent dispersés (30 à 100 propriétaires par établissement), peu organisés et profanes en droit immobilier. L’exploitant, lui, est un opérateur puissant, maîtrisant ces sujets et s’appuyant sur des conseils juridiques. Cela crée un rapport de force défavorable aux bailleurs isolés. Dans le cas DomusVi, c’est grâce à la mobilisation collective (via des cabinets d’avocats fédérant des centaines de bailleurs) que les investisseurs ont pu tenir tête à l’exploitant en justice . Cela souligne que, sans réaction coordonnée, chaque propriétaire individuel aurait pu subir la baisse de loyer imposée faute de moyen de la contester rapidement. Le risque pour l’investisseur est donc de subir une décision unilatérale s’il reste isolé.
• Risque financier indirect : Même si, comme dans cette affaire, le droit finit par donner raison aux bailleurs, le processus judiciaire peut prendre des années. Pendant ce temps, l’investisseur peut connaître des difficultés de trésorerie (loyers réduits ou suspendus) et doit assumer des frais de justice (avocat, procédures) avant éventuellement d’être remboursé. Tous n’ont pas la surface financière pour tenir, ce qui peut mener certains à vendre à perte leur bien en cours de route. Ces coûts et incertitudes sont un risque réel qu’il faut évaluer en amont d’un investissement en résidence gérée : le rendement peut être rogné par des aléas juridiques.
En somme, l’affaire DomusVi a servi de piqûre de rappel aux investisseurs immobiliers : un bail commercial en EHPAD n’est pas un produit garanti à 100 %. Il comporte des risques contractuels spécifiques qu’il faut appréhender, sous peine de déconvenues. Nous détaillons ci-après les principales failles contractuelles et obligations en jeu, ainsi que les bonnes pratiques pour s’en prémunir.
Failles contractuelles mises en évidence et obligations des exploitants envers les bailleurs
Plusieurs faiblesses contractuelles et manquements potentiels de l’exploitant EHPAD ont été soulignés par ces litiges :
• Clauses d’indexation et de loyers : Comme vu, la clause d’indexation doit être conforme à la loi. Il est impératif qu’elle soit indexée sur un indice autorisé (ICC, ILAT, indice des prix, etc.) et qu’elle soit à variation bilatérale (hausses et baisses) pour éviter la nullité . Les investisseurs devraient vérifier ce point lors de la signature du bail. Par ailleurs, certaines pratiques consistent à stipuler des loyers majorés artificiellement, compensés les premières années par un « fonds de concours » versé par le promoteur au gestionnaire . Ce mécanisme signifie que les loyers payés aux bailleurs sont en partie subventionnés au début, puis le gestionnaire se retrouve à payer de sa poche une somme peut-être supérieure à la rentabilité réelle du site. Une fois le fonds épuisé, l’exploitant demande souvent une baisse de loyer. C’est une faille du modèle : un bailleur non informé de ce montage tombe de haut quand, 3 ans après l’achat, l’exploitant explique que le loyer était surévalué et doit être réduit. Obligation de l’exploitant : payer le loyer convenu et indexé selon le contrat, sauf décision de justice contraire. En cas de difficulté, l’exploitant peut négocier une modification, mais ne peut imposer unilatéralement un avenant.
• Obligations d’entretien et de travaux : Dans la plupart des baux commerciaux EHPAD, l’exploitant (preneur) prend à sa charge l’entretien courant, les mises aux normes réglementaires liées à l’activité, et parfois même les grosses réparations (selon clause expresse type « bail triple net »). Les propriétaires bailleurs attendent de l’exploitant qu’il entretienne le bâtiment pour conserver la valeur de leur bien. Or, des litiges surviennent lorsque l’exploitant omet d’effectuer des travaux obligatoires. Par exemple, dans une autre affaire concernant DomusVi (Résidence de Verdun/Ciel en Saône-et-Loire), il a été reproché au gestionnaire de ne pas avoir réalisé des travaux de mise aux normes anti-incendie et d’accessibilité pourtant prévus lors de la signature du bail en 2007 . Ce manquement a contribué à la fermeture de l’établissement et au transfert des résidents, pénalisant lourdement les bailleurs (voir point suivant). Obligation de l’exploitant : respecter ses engagements de maintenance et réaliser les travaux de conformité. À défaut, il engage sa responsabilité contractuelle, et les bailleurs peuvent obtenir en justice des injonctions de faire ou des dommages-intérêts. Des décisions de justice antérieures ont pu condamner DomusVi à participer financièrement à des expertises ou travaux de remise en état en fin de bail pour manquement à ces obligations (par ex. CA Bordeaux, 2017, dans une affaire de fin de bail où DomusVi a dû assumer les coûts de réfection).
• Durée du bail et renouvellement : Le bail commercial classique est 3-6-9 ans, mais dans le cadre d’EHPAD on signe souvent pour 9, 10 ou 12 ans ferme. Cependant, rien n’oblige un exploitant à renouveler au-delà de l’échéance initiale, sauf clause de renouvellement automatique. DomusVi (ou toute autre société) peut choisir de ne pas reconduire le bail en fin de terme, ou d’exercer une clause de résiliation anticipée si prévue. C’est une faille potentielle si l’investisseur a cru à tort que le loyer était sécurisé « à vie ». Une fois le bail expiré, le gestionnaire peut partir sans compensation pour le bailleur (c’est le preneur qui aurait droit à une indemnité d’éviction en cas de congé donné par le bailleur, situation inverse). Ce scénario s’est produit dans plusieurs résidences DomusVi plus anciennes : le groupe a transféré son activité et ses résidents vers un nouvel EHPAD plus moderne, abandonnant l’ancien site où les propriétaires privés se sont retrouvés avec des lots vides et invendables . Dans l’exemple de Verdun-sur-le-Doubs/Ciel, ~30 copropriétaires se sont retrouvés en cauchemar : l’établissement DomusVi a fermé après 9 ans, et il n’y avait plus de locataire pour payer les loyers . Obligation de l’exploitant : strictement parlant, il n’a pas l’obligation de rester après la fin du bail. Néanmoins, s’il part sans faute du bailleur, il doit donner congé dans les formes et délais. Les bailleurs peuvent alors tenter de se regrouper pour retrouver un autre exploitant ou poursuivre DomusVi si un manquement annexe est avéré (par ex, non-remise en état des lieux, retrait du matériel appartenant aux propriétaires, etc.). Cet aspect montre la limite contractuelle : la loi n’impose pas à un locataire commercial de motif légitime pour ne pas renouveler.
• Garanties financières : Un bail commercial peut prévoir des garanties au profit du bailleur (dépôt de garantie, caution bancaire, engagement de la société-mère). Beaucoup d’investissements EHPAD sont réalisés via des filiales ad hoc des grands groupes. Par exemple, DomusVi exploitait certains établissements via des filiales (ex: SAS Les Jardins de MEDICIS) qui signaient le bail, la maison-mère se portant rarement caution directe. Si bien qu’en cas de faillite de la filiale locataire, le bailleur se retrouve créancier d’une entité parfois peu capitalisée. Dans l’affaire des indexations, DomusVi était solvable et a assumé, mais on conçoit un scénario où un exploitant fragilisé financièrement aurait pu se mettre en procédure collective pour geler les dettes de loyers. Obligation de l’exploitant : ici c’est plus une précaution à prendre lors du contrat : les bailleurs devraient exiger des garanties solides. Un exploitant a l’obligation de délivrer une caution ou un dépôt si le bail le stipule. En l’absence de garantie, le risque de non-recouvrement en cas de problème est supporté par le bailleur.
En résumé, les obligations de l’exploitant vis-à-vis des bailleurs privés incluent : payer les loyers et charges selon les termes convenus (indexation comprise), exploiter le bien conformément à sa destination (maintenir une activité EHPAD normale), entretenir les locaux et effectuer les mises aux normes, respecter la durée d’engagement ou à défaut donner congé régulièrement, et enfin restituer le bien en bon état en fin de bail. Toute défaillance sur l’un de ces volets peut déboucher sur un contentieux juridique. Dans l’affaire DomusVi, c’est l’obligation de payer le loyer indexé qui a été au centre du litige, mais derrière se profilait un problème de modèle économique (loyers trop élevés par rapport à la rentabilité réelle une fois les subventions initiales épuisées), cause profonde de ce manquement.
Conséquences sur le marché secondaire : revente de chambres EHPAD
Les péripéties judiciaires de 2020-2021 ont également des implications pour le marché secondaire des chambres EHPAD, c’est-à-dire la revente par un investisseur de son lot à un autre investisseur.
Lorsqu’un tel litige éclate, il en résulte une forte incertitude sur les revenus locatifs futurs, ce qui pèse directement sur la valeur de revente. En pleine tourmente DomusVi, un propriétaire qui aurait voulu revendre sa chambre en 2020-2021 se serait heurté à plusieurs obstacles :
• Acheteurs méfiants : Les acquéreurs potentiels, s’ils sont informés de la situation, vont hésiter à acheter un bien dont le loyer fait l’objet d’une dispute judiciaire. Le rendement n’est pas garanti, l’issue est incertaine, et l’acquéreur pourrait hériter du litige (même si, juridiquement, les loyers dus restent à l’ancien propriétaire pour la période antérieure, l’acheteur récupère un bail potentiellement modifié ou à renégocier). Ainsi, la demande se contracte et seuls des acheteurs très avertis ou opportunistes seraient intéressés, à des conditions dégradées.
• Décote de valorisation : La valeur d’une chambre EHPAD est principalement fonction du loyer versé et de la confiance dans sa pérennité. Si DomusVi verse 0 € d’indexation (ou menace de baisser le loyer), le rendement chute et la valeur du bien sur le marché secondaire baisse mécaniquement. Par exemple, un lot qui rapportait 5 000 € de loyer annuel indexé valait mettons 100 000 € (sur base 5 % de rendement). Si soudain l’exploitant ne paie plus que 4 500 €, un investisseur exigera sans doute un rendement plus élevé pour compenser le risque (disons 7-8 %), aboutissant à un prix plutôt autour de 60 à 70 000 €. Des témoignages de propriétaires en difficulté de revente évoquent des pertes de 20 à 30 % sur le capital en cas de revente précipitée dans ce contexte.
• Illiquidité temporaire : Tant qu’une situation n’est pas clarifiée (par un accord ou un jugement définitif), il est souvent impossible de revendre à un prix satisfaisant. Beaucoup de propriétaires préfèrent donc attendre la fin des procédures. Le marché secondaire des EHPAD s’est retrouvé gelé pour certains produits DomusVi en 2020-2021, car aucun investisseur institutionnel ou particulier prudent ne souhaitait prendre le risque d’acheter un bien avec un loyer contesté. Cela a pu placer certains vendeurs potentiels dans une impasse, notamment en cas de besoin urgent de liquidités.
Par ailleurs, ces affaires nuisent à l’image du secteur tout entier, pas seulement à DomusVi. Les scandales (contractuels ou liés à la maltraitance comme ce fut le cas pour Orpea en 2022) ont jeté un froid sur l’investissement EHPAD. Le marché secondaire, qui fonctionnait bien dans les années 2010, a vu une raréfaction des acheteurs ou des exigences plus strictes (vérification fine du bail, de la santé financière de l’exploitant, etc.). Les plates-formes de revente et conseillers en gestion de patrimoine ont dû intégrer ces nouveaux paramètres de risque dans leurs analyses.
Dans le cas spécifique de DomusVi, la réputation de l’enseigne auprès des investisseurs a été ternie. Un investisseur averti en 2021-2022 sait que DomusVi a tenté de rogner sur les loyers de ses bailleurs, ce qui peut l’inciter à la prudence avant d’acheter une chambre DomusVi sur le marché secondaire. Certains conseillers ont pu déconseiller temporairement les produits DomusVi au profit d’autres gestionnaires perçus comme plus respectueux de leurs engagements.
Enfin, sur le volet financement : si un investisseur acheteur compte recourir à un prêt bancaire pour acquérir une chambre EHPAD, la banque va étudier le bail et la fiabilité des revenus. Un exploitant en litige avec ses bailleurs peut être considéré comme un risque accru par les banques, qui pourraient refuser le financement ou exiger un apport plus important. Ainsi, même l’accès au crédit sur le marché secondaire peut être compromis.
Implication positive cependant : l’issue favorable aux bailleurs dans les jugements de 2020-2021 a pu rassurer les marchés sur le fait que le droit protège les propriétaires en dernier ressort. Une fois les décisions définitives connues (2022-2023), on a observé un certain rééquilibrage : les biens DomusVi ont pu retrouver un intérêt à la revente, leurs loyers ayant été confirmés. Néanmoins, la confiance a été entamée, et une réputation abîmée met du temps à se rétablir.
Impact sur la réputation du gestionnaire DomusVi
La stratégie contentieuse de DomusVi en 2020-2021 a eu un impact négatif sur sa réputation, tant auprès des investisseurs immobiliers qu’auprès du grand public et des acteurs du secteur médico-social.
Du côté des investisseurs et conseillers patrimoniaux, comme souligné, DomusVi a pu être perçu comme un partenaire peu fiable, prêt à user de moyens juridiques contestés pour améliorer sa rentabilité au détriment des bailleurs. Cette affaire est désormais citée dans les études de cas de ce qu’un exploitant ne devrait pas faire. Dans des forums d’investisseurs ou des articles spécialisés fin 2020, on peut lire des mises en garde contre les baux DomusVi. Même si juridiquement les bailleurs ont triomphé, l’épisode a créé de la défiance. Certains investisseurs institutionnels (OPCI, foncières) qui travaillent avec DomusVi ont sans doute suivi l’affaire de près, pouvant remettre en question de futures collaborations ou durcir les conditions des baux (exiger une clause de renonciation de l’exploitant à contester l’indexation).
En interne, DomusVi a dû gérer un bad buzz médiatique : des médias grand public comme BFM TV ont couvert l’affaire dès décembre 2020 , ce qui a exposé le groupe à des critiques. En 2022, l’attention médiatique sur les EHPAD privés s’est accrue (scandale Orpea, enquêtes télévisées). DomusVi, bien que moins exposé qu’Orpea, a été cité dans des enquêtes pour Cash Investigation ou Mediapart pour des problèmes de gestion ou de qualité de prise en charge, venant s’ajouter à ce passif sur les baux . La conjonction de ces éléments a entamé l’image de marque de DomusVi.
Il convient de nuancer : la clientèle première de DomusVi ce sont les familles des résidents et les résidents eux-mêmes. Ont-ils connaissance de ces affaires de loyers ? Pas forcément directement. Cependant, une mauvaise réputation auprès des investisseurs peut indirectement nuire au groupe : s’il devient plus difficile pour DomusVi de convaincre des propriétaires privés de financer ses établissements, le groupe devra trouver d’autres sources de capitaux (foncières, créations en propre, etc.), possiblement plus coûteuses ou moins flexibles. De même, des bailleurs existants échaudés pourraient refuser de participer à de nouveaux projets ou de nouvelles opérations de rénovation, complexifiant la stratégie de développement du groupe.
DomusVi a tenté de redorer son blason en communiquant sur son engagement pour le bien-être des personnes âgées, ses investissements dans la modernisation, etc. . Néanmoins, pour un public d’investisseurs avertis, le cas d’école DomusVi reste présent à l’esprit comme un risque à prendre en compte.
Enfin, notons que cette affaire a eu des échos jusqu’au niveau réglementaire : elle a alimenté la réflexion sur la nécessité de mieux encadrer les investissements en résidences gérées. Des voix se sont élevées pour exiger une transparence accrue sur les baux (par exemple, obliger à signaler aux acheteurs toute clause à risque ou tout mécanisme de subvention de loyer) et pour renforcer la protection des investisseurs non-professionnels dans ce type de montage . Ainsi, DomusVi a, bien malgré lui, contribué à mettre en lumière des pratiques discutables du secteur, ce qui pourrait aboutir à des changements (éventuellement via l’AMF ou des obligations d’information renforcées).
Bonnes pratiques pour sécuriser un investissement en EHPAD
À la lumière de ce qui précède, voici quelques bonnes pratiques et conseils destinés aux investisseurs immobiliers qui envisagent d’acheter (ou qui détiennent) une chambre en EHPAD :
• 1. Due diligence approfondie du bail commercial : Lisez attentivement le bail proposé avant d’investir. En particulier, vérifiez la clause d’indexation (indice utilisé, clause bien bilatérale sans plancher), la durée ferme du bail, les conditions de sortie (y a-t-il une possibilité de résiliation anticipée par l’exploitant ?), et la répartition des charges/travaux. N’hésitez pas à faire relire le bail par un avocat spécialisé en baux commerciaux avant de signer, surtout si une clause semble complexe. Un professionnel repérera les clauses potentiellement litigieuses (par exemple une clause d’augmentation de loyer fixe déguisée en indexation, à proscrire).
• 2. Vérification du modèle économique de l’exploitant : Renseignez-vous sur la santé financière de l’exploitant (chiffre d’affaires, résultats, endettement) et sur son historique en tant que locataire. Un gestionnaire qui a déjà cherché à renégocier des loyers par le passé présente un risque plus élevé. Dans le cas d’un exploitant coté en bourse ou appartenant à un fonds, consultez les rapports annuels, où figurent parfois des mentions des litiges en cours. Par exemple, un investisseur averti en 2019-2020 aurait pu noter les tensions dans certaines résidences DomusVi (loyers trop élevés évoqués). Privilégiez les exploitants ayant bonne réputation et n’ayant pas d’historique de conflit avec leurs bailleurs privés.
• 3. Exiger des garanties : Si possible, négociez des garanties lors de l’achat. Par exemple, un dépôt de garantie équivalent à 3 ou 6 mois de loyer, ou mieux, une caution solidaire de la maison-mère du gestionnaire (ce qui couvre le bailleur en cas de défaillance de la filiale locataire). Bien que les gros groupes rechignent à accorder une caution, cela peut se discuter dans certains cas. Une autre garantie est d’avoir une clause résolutoire en cas de défaut de paiement de plus d’un certain délai : cela permet de reprendre votre bien et éventuellement de le relouer à un autre exploitant plus rapidement, limitant les pertes.
• 4. Diversification et taille critique : Ne mettez pas toutes vos économies dans une seule chambre d’EHPAD. Il est recommandé de diversifier vos investissements (plusieurs actifs, voire plusieurs secteurs) pour ne pas dépendre d’un seul locataire. De plus, envisagez d’investir via des groupements (SCI, SCPI spécialisées en santé) ou au sein d’un pool d’investisseurs, car l’union fait la force. Des propriétaires regroupés en association (association des copropriétaires bailleurs de la résidence X) seront plus aptes à dialoguer d’égal à égal avec l’exploitant et à engager une action collective si nécessaire.
• 5. Suivi régulier et proactivité : Une fois l’investissement réalisé, ne soyez pas passif. Suivez les actualités de l’exploitant, lisez les communications qu’il vous envoie, assistez aux éventuelles assemblées de copropriétaires. Si des signaux faibles apparaissent (retards de paiement de loyer, demande informelle de baisser le loyer, rumeurs de difficultés), rapprochez-vous vite des autres bailleurs et éventuellement d’un conseil juridique pour organiser la riposte ou la négociation. Dans l’affaire DomusVi, ceux qui ont très vite consulté un avocat fin 2019 ont pu prendre de vitesse l’exploitant et se regrouper. La réactivité est clé pour sécuriser vos droits.
• 6. Anticiper la fin de bail : Plusieurs années avant l’échéance du bail, commencez à anticiper le scénario de non-renouvellement. Informez-vous sur la situation de l’EHPAD : taux d’occupation, vétusté, intentions de l’exploitant quant à continuer ou non l’activité. Si l’exploitant semble vouloir partir (ex : construction d’un autre EHPAD à proximité pour transférer les lits), engagez dès que possible un dialogue pour connaître ses plans. En cas de départ prévu, cherchez des solutions : un autre opérateur serait-il intéressé pour reprendre l’établissement ? Faut-il revendre avant l’échéance à un investisseur institutionnel ? Ne découvrez pas le problème à la dernière minute. Bonnes pratiques contractuelles : vous pouvez essayer de négocier lors de la conclusion du bail une indemnité au profit des bailleurs si l’exploitant ne renouvelle pas (ce n’est pas courant, mais envisageable dans certaines négociations).
• 7. Transparence et information précontractuelle : Si vous achetez sur le marché secondaire, demandez au vendeur un état des lieux complet du bail : existence d’avenants, incidents de paiement passés, courriers échangés avec l’exploitant, etc. Un vendeur de bonne foi se doit de vous communiquer ces éléments. De même, soyez attentif à la qualité du conseil de l’intermédiaire qui vous vend le bien initial (CGP, promoteur) : est-il transparent sur les risques ? Les scandales passés ont montré que l’information précontractuelle était parfois insuffisante . N’hésitez pas à poser des questions précises et à faire écrire noir sur blanc les réponses ou garanties promises.
En appliquant ces bonnes pratiques, un investisseur augmentera significativement ses chances de sécuriser son investissement en EHPAD et de se prémunir contre les déboires qu’ont connus certains propriétaires face à DomusVi. L’idée n’est pas de fuir ce type d’investissement, qui peut rester attractif, mais de le faire avec les yeux ouverts et armé juridiquement.
Conclusion
Les procès gagnés par les propriétaires bailleurs contre DomusVi en 2020-2021 constituent un tournant pour l’investissement en EHPAD. Ils ont révélé qu’un bail commercial en résidence gérée n’est pas infaillible et que les investisseurs doivent être vigilants quant aux clauses contractuelles et au comportement de l’exploitant. Heureusement, ces affaires ont également démontré que les bailleurs, lorsqu’ils se mobilisent et font valoir leurs droits, peuvent obtenir gain de cause en justice même face à un grand groupe, protégeant ainsi leurs intérêts financiers .
Pour les investisseurs existants ou potentiels, la leçon à retenir est double : d’une part, bien préparer son investissement (choix du gestionnaire, analyse du bail, garanties, etc.), et d’autre part, suivre activement la vie du placement pour détecter toute entorse et y réagir promptement. Les risques juridiques et financiers peuvent être mitigés par la connaissance et l’anticipation.
Du côté des exploitants et promoteurs, ces procès ont mis en évidence la nécessité d’une plus grande rigueur contractuelle et éthique. À vouloir maximiser les profits à court terme (via des baux trop favorables aux bailleurs puis reniés ou via des économies sur les coûts), on s’expose à des litiges coûteux et à une perte de confiance durable. DomusVi, après ces déboires, devra regagner la confiance des investisseurs s’il veut continuer à s’appuyer sur eux pour son développement.
Enfin, pour le secteur EHPAD dans son ensemble, ces affaires contribuent à une prise de conscience : la réussite d’un investissement en immobilier géré repose sur un équilibre durable entre l’exploitant et le bailleur. Ni l’un ni l’autre ne doit prendre le dessus de manière abusive : un loyer doit rester supportable pour l’exploitant tout en offrant une rentabilité juste à l’investisseur. Les pouvoirs publics et les associations y veillent désormais de plus près, afin que les scandales du passé (qu’ils soient financiers ou humains) ne se reproduisent pas. En tant qu’investisseur avisé, en 2025 et au-delà, on peut investir en EHPAD, mais en étant conscient des enseignements de 2020-2021 et en appliquant des bonnes pratiques de prudence. C’est le prix à payer pour faire rimer « immobilier géré » avec sérénité et performance sur le long terme.
Avantages de l'investissement en EHPAD et résidences seniors
L'investissement dans les Établissements d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et les résidences seniors est une option de plus en plus prisée par les investisseurs cherchant à diversifier leur portefeuille tout en répondant à une demande croissante. Voici un aperçu détaillé des avantages.
Rendement attractif
Les investissements en EHPAD et résidences seniors offrent généralement des rendements annuels nets compris entre 6 % et 7 %. Ces rendements sont souvent plus stables comparés à d'autres types d'investissements immobiliers.
Demande croissante
Avec le vieillissement de la population, la demande pour des logements adaptés aux personnes âgées ne cesse d'augmenter. Cela crée un marché en expansion, offrant aux investisseurs une opportunité stable et durable.
Avantages fiscaux
Les investisseurs peuvent bénéficier de dispositifs fiscaux avantageux tels que le statut de Loueur en Meublé Non Professionnel (LMNP) ou Loueur en Meublé Professionnel (LMP). Ces statuts permettent de réduire l'impôt sur le revenu grâce à l'amortissement du bien et à la déduction des charges.
Gestion simplifiée
Les résidences seniors et les EHPAD sont souvent gérés par des opérateurs spécialisés, ce qui simplifie la gestion locative pour les investisseurs. Cela inclut la recherche de locataires, l'entretien du bien et la gestion des services.