On a évité une nouvelle loi EHPAD 14/03/2015
La Déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), Mme Florence Arnaiz-Maumé se dit satisfaite que le Gouvernement n’ait pas eu les moyens de légiférer spécifiquement sur les établissements mais réclame une simplification et une meilleure lisibilité des mécanismes de tarification imposés aux Ehpad.
Que vous inspire l’absence très probable d’un deuxième volet législatif sur l’hébergement en Ehpad ?
Florence Arnaiz-Maumé : Un certain sentiment de satisfaction. Cela détonne de l’ambiance générale mais nous sommes contents qu’il n’y ait pas de deuxième volet puisque nous ne l’avions jamais demandé. Au contraire, lorsque nous avions publié notre Livre blanc, nous avions dit que pour ce qui est des Ehapd, il n’y avait pas matière à voter une nouvelle loi car il y en avait déjà eu un certain nombre auparavant. T out était donc calé. Ce que nous, nous avons en revanche toujours demandé et qui est, a priori, sur le point de se produire, c’est de commuer ce projet de loi qui ne verra pas le jour en groupe de travail « intelligent » sur la tarification des Ehpad et sa simplification. C’est là une impérieuse nécessité. Il y a en effet un ensemble de sujets à traiter concernant les trois sections tarifaires hébergement, dépendance et soins. Le Synerpa souhaite que cela aboutisse à la publication des décrets tarifaires et de simplification dont nous avons absolument besoin.
Que répondez-vous à la secrétaire d’État Laurence Rossignol qui souhaite plus de transparence comptable de la part des Ehpad privés ?
F. A-M. : Il n’y a pas aujourd’hui de problème grave de transparence. Je ne me cache pas derrière mon petit doigt en disant cela. Il existe trois types de tarification différents dans un Ehpad et l’on demande à des gens qui n’ont jamais eu affaire à ce type de tarification, c’est-à-dire les familles et les personnes âgées, de s’acclimater rapidement à cette complexité. Ce qui rendra les choses plus transparentes mais aussi plus compréhensibles pour les résidents et leurs proches, c’est justement la simplification.
En revanche, s’il s’agit de dire qu’en terme de transparence, il y a une problématique portant sur le tarif hébergement, le Synerpa répond que le premier alinéa de l’article 40 du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement lui convient pleinement. Il impose en effet de définir ce qui doit absolument être compris dans le tarif hébergement. Or, nous y sommes tout à fait favorables. Le problème n’est pas un problème de transparence mais de charges (blanchissage du linge personnel, accès au téléphone à la télévision etc.) que la loi et les décrets n’ont pas prévues et qui s’ajoutent parfois en supplément. Or, si un décret stipulait que dorénavant, dans le tarif hébergement, il doit y avoir tel et tel élément, nous serions tout à fait d’accord.
L’instauration d’un tarif d’hébergement socle pour les Ehpad non habilités à l’aide sociale illustre-t-elle la suspicion du Gouvernement à leur égard, en particulier concernant une éventuelle distorsion entre les tarifs pratiqués et les prestations proposées ?
F. A-M. : Non, je ne vois pas du tout les choses comme ça. Si l’objectif est de mettre en doute les tarifs au regard des prestations, il suffit d’aller dans n’importe quel établissement et de regarder les chiffres qui sont très facilement accessibles pour vérifier qu’il n’y a pas de distorsion et que globalement, il y a aujourd’hui véritablement un bon niveau de qualité dans les Ehpad privés.
Doit-on en conclure que vous approuvez l’instauration, par l’article 40 du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, d’un tarif hébergement socle pour les Ehpad ?
F. A-M. : Non. Nous ne sommes pas du tout d’accord avec la création de ce tarif socle. En effet, qu’il existe un tarif hébergement qui comporte un minimum de prestations énoncées dans un décret est une bonne chose. Mais cela ne signifie pas qu’il y ait pour autant matière à définir un tarif socle qui soit uniquement la liste limitative des éléments compris dans le décret à venir. En effet, si l’on additionne l’ensemble des charges qui figureront dans ce décret et que l’on considère qu’elles constituent un tarif socle, que fait-on alors de la notion de tarif hébergement ?
C’est donc uniquement une question de vocabulaire ?
F. A-M. : Non. Dans le premier aliéna de l’article 40, on énonce qu’il y a un tarif hébergement et qu’il doit comprendre a minima un ensemble de prestations définies. Puis l’on nous dit que tout ce qui sera compris dans le tarif hébergement constitue un tarif socle, lequel est fixé librement par les parties. On a donc bel et bien l’impression que ce tarif socle est le tarif hébergement. Pour autant, la terminologie de tarif hébergement n’est pas supprimée. Ainsi, pour tout le secteur habilité à l’aide sociale, on continuerait de parler de tarif journalier afférent à l’hébergement alors que pour ce qui est du secteur privé, on parlerait à la fois de tarifs socle pour les établissements non habilités mais aussi de tarif hébergement. Avec une problématique qui subsisterait : en l’occurrence, celle de savoir si le tarif socle est le tarif hébergement ou si l’établissement propose non seulement toutes les prestations contenues dans la loi mais également d’autres comme les espaces de balnéothérapie etc. qui font forcément augmenter le tarif hébergement. Dans ce cas, comment distinguer alors le tarif socle du reste ? C’est pourquoi nous voulons continuer à parler exclusivement de tarif d’hébergement fixé librement par les parties et qui comprend une liste impérative d’éléments qui doivent y figurer.
Il y a des lits vides dans certains établissements privés. Ces derniers sont-ils trop chers au regard du pouvoir d’achat des Français ?
F. A-M. : La question est compliquée. Il est de notoriété publique, et l’on ne s’en cache pas, que le secteur privé commercial a des tarifs plus élevés que le secteur habilité à l’aide sociale. Mais cela est mathématiquement explicable, tout d’abord au regard des prestations fournies. Même si ce n’est pas encore complètement admis par le grand public, les pouvoirs publics et les professionnels, eux, sont d’accord pour dire que depuis dix ans, il y a eu une structuration du secteur privé avec une offre de qualité quasiment généralisée. Les choses ont considérablement évolué avec les conventions tripartites qui ont engendré une modernisation d’ensemble. Au point que le monde entier, jusqu’en Chine, en appelle au savoir-faire français.
Pour ce qui est du pouvoir d’achat des Français, cela va être compliqué de prendre en compte ce facteur. En tant que professionnels, nous avons un bâti, des services et une qualité de prestations que nous vendons à un prix fixé librement comme la loi nous y autorise, l’indice annuel de revalorisation de ce prix étant fixé par le ministère des Finances. Les choses sont donc cadrées. Le pouvoir d’achat est une notion extrêmement variée d’autant que les établissements sont en grande majorité remplis.
C’est donc bien la preuve qu’il existe un certain pouvoir d’achat. Par ailleurs, on sait que la classe d’âge qui a le pouvoir d’achat le plus élevé est bien celle des Trente Glorieuses qui a aujourd’hui entre soixante et soixante-cinq ans. Certains ont également du patrimoine et tout le débat est de savoir s’il doit être pris en compte pour financer le séjour en Ehpad. A ce sujet, le Synerpa a toujours évoqué l’idée qu’en cas de patrimoine suffisamment important et dans certaines limites, ce ne serait pas une hérésie.
Et pour ceux qui n’en ont pas ?
F. A-M. : La priorité est de favoriser la solvabilité des classes moyennes. On sait que les plus démunis sont pris en charge de manière assez complète dans le cadre de l’aide sociale. Les choses sont assez bien faites. Les plus aisés, eux, bénéficient de déductions fiscales et ont les moyens de financer leur hébergement en Ehpad. Entre les deux, il y a donc les classes moyennes qui ont des difficultés pour entrer en établissement. Il faut donc créer une sorte de fichier national qui collecte les données sur les classes moyennes qui sont dans le besoin pour ensuite traiter les dossiers au cas pour cas pour voir ce que l’on peut faire.
Plus précisément, les Ehpad sont appelés à devenir des acteurs à part entière du parcours de soins promus dans la future Loi de santé. En ont-ils aujourd’hui les moyens et la volonté ? Quelles modifications cela va induire dans leur fonctionnement ?
F. A-M. : Il y a beaucoup d’acteurs qui interviennent dans ces parcours et chaque filière (Ehpad, domicile, hôpital…) revendique d’être le pivot du parcours. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité du parcours pour améliorer le service rendu tant aux résidents qu’aux patients mais aussi pour réduire les coûts pour l’Assurance maladie. Les Ehapd ont-ils les moyens de s’impliquer ? Oui car ce n’est pas qu’une question d’argent. Quant à savoir ce que cela va changer, le Synerpa en est l’illustration puisqu’il s’est ouvert aux résidences services en 2013 et qu’en 2014, il a conclu un partenariat avec la Fédération française de services à la personne et de proximité (Fédésap) et a accueilli en son sein Domidom, deuxième groupe français du secteur des services d’aide à domicile. Par ailleurs, nous sommes actuellement en discussion avec le Dr Elisabeth Hubert, Présidente d’HAD France, et Lamine Gharbi, Président de la Fédération de l’hospitalisation privé (FHP), pour déterminer les passerelles que l’on peut mettre en place en matière de HAD, de courts séjours et de soins de suite. En clair, les syndicats professionnels s’élargissent tandis que les opérateurs comme Orpéa ou Domus Vi investissent déjà le secteur du domicile.
La tendance est aujourd’hui à la promotion des logements intermédiaires entre le domicile et l’Ehpad. Est-ce un secteur que les Ehpad doivent investir notamment afin de tendre vers la notion de plate-forme gérontologique ?
F. A-M. : C’est ce que nous avons toujours prôné, notamment dès 2007 lorsque nous avons publié notre Livre blanc. Pour nous, la plate-forme gérontologique (domicile, résidences services, Ehpad) représente l’avenir même si l’idée n’est pas non plus de vivre en vase clos.
Cela signifie-t-il que l’évolution de l’Ehpad de demain entre lieu de vie et lieu de plus en plus médicalisé est obsolète ?
F. A-M. : Oui. A mes yeux, cette alternative n’est pas opérante. L’Ehpad doit continuer à être un acteur du lien social qui mélange vie et soin.
Propos recueillis par Alexandre Terrini
Ondam médico-social 2015 : mieux que rien…
Alors que le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2015 prévoit un Ondam médico-social en hausse de seulement de 2,2 %, le Synerpa se contente de cette très légère augmentation en ces temps de rigueur tous azimuts. « Je ne parlerais pas de régression car vu le contexte économique actuel, nous restons quand même privilégiés par rapport au secteur sanitaire, certes pas de beaucoup et nettement moins qu’auparavant, affirme Florence Arnaiz-Maumé. Cependant, l’Ondam médico-social nous permettra de revaloriser à hauteur de 0,8 % les moyens dévolus au titre des places et des services existants mais aussi de renforcer l’encadrement en soins et donc la médicalisation des Ehpad, à hauteur de 100 millions d’euros. Ce sont les deux données phare que je retiens. Ce qu’il faut, c’est accélérer les process de manière à ce que les Agences régionales de santé déploient ces crédits au plus vite. »